CHAPITRE VIII

ELGERN

 

Une douleur effroyable me torture le corps... J'ai peine à retenir un gémissement... Bon! Vitray a été fauché par un paralysateur et je reprends conscience à sa place... Un abominable chassé-croisé, et en ressentant une telle douleur, il n'est pas question de vider mon esprit pour la faire subir à mon remplaçant.

De toute façon, s'il s'est mis dans un mauvais cas, il est préférable de voir d'abord qui de nous deux a le plus de chance de nous tirer d'affaire.

J'ouvre les yeux. On m'a jeté à terre, sur un tapis. Un tapis épais. Donc, il ne s'est pas fait prendre en compagnie de Délénia... De chez elle, il devait se rendre chez Dacla... Est-ce là que je suis?

La douleur m'oblige à me tordre par terre et j'aperçois des bottes... Deux hommes debout devant moi ; deux hommes et une femme. Ils assistent à mon retour à la vie normale... Bon Dieu ! Une simple décharge de paralysateur ne me vaudrait pas de telles souffrances... On a dû m'en faire cinq ou six pour le moins.

Voilà, la douleur commence à s'apaiser. Je vois plus nettement autour de moi... Deux hommes. Le plus grand est mon frère : Adrun ! Je ne suis plus sur le continent sud. On m'a ramené dans la Ville Impériale... Ça représente au moins six décharges de paralysateur.

La femme, Dacla de Fourrie et l'homme, bon Dieu ! Fertal... Le commandant Fertal... Vitray a dû tomber sur lui chez Dacla... Fertal... L'année dernière, il a servi sous mes ordres... Et il est originaire de Kaldar.

Bon sang ! Il n'y avait pas une chance sur cent mille de tomber sur un policier ou un soldat originaire de Kaldar et cette chance a joué. On me prend pour un imposteur se faisant passer pour Halno et s'il était en compagnie de Dacla, ça a pris des proportions... Elle a sans doute exigé l'arbitrage de l'Empereur.

Par chance, ce n'est pas Vitray qui est revenu à lui car il n'aurait pas reconnu Adrun, et ignorant qu'il se trouvait en face de l'Empereur, aurait négligé l'étiquette. La douleur ayant totalement disparu, je me lève et tourné vers mon frère, je m'incline.

— Sire.

— Qui es-tu ?

— Un fils naturel du père d'Halno... et j'ai choisi son nom pour me faire un chemin dans le monde quand j'ai appris sa mort... J'ai joué de malchance en tombant sur le commandant Fertal.

— Tu peux prouver tout cela ?

— Prouver que je suis un fils naturel de Serai de Kaldar? Non, malheureusement, car avant de prendre le nom d'Halno, j'ai pris soin de faire disparaître tous les documents concernant ma naissance et même celle de ma mère... Elle a quitté Kaldar lorsque j'étais tout jeune pour aller vivre à Talima... dans le quartier d'Olbo. Ça m'a aidé.

— Le quartier malfamé, grogne Fertal.

— Fille-mère, elle ne pouvait pas espérer vivre dans un palais... Mais elle était très belle et a amassé une fortune... Assez de fortune pour me donner de l'ambition.

— Et la plaque de scoral de ton poignet ? Tu as dû tuer un noble pour la voler ?

— Non. Lorsque notre aviso s'est écrasé dans les montagnes de Kraa, il y avait un noble avec nous... Un vrai. Je lui ai pris son bracelet et je me suis servi du désintégrateur intact pour effacer son nom... avant de graver le mien sur la plaque d'identité... Quand on sort du quartier d'Olbo, on sait à peu près tout faire...

Brusquement, j'ai comme une illumination et ajoute :

— A propos de mon séjour dans les montagnes de Kraa, j'ai des révélations à faire à Votre

Majesté... Des révélations de la plus haute importance, mais il est nécessaire de les faire sans témoin... Secret d'Etat... Si j'ai pu, après notre accident, échapper aux Tapis Volants, c'est en me réfugiant... presque tout de suite dans un autre aviso... Intact, celui-là... Auparavant, j'avais assisté au décollage d'un très grand vaisseau spatial... Si je devais continuer, Votre Majesté me reprocherait d'en avoir dit plus avant d'être seul avec Elle.

Fertal s'écrie :

— Cet homme est dangereux, sire !

Adrun hausse les épaules. Il n'a jamais manqué de courage physique et est très fort. Il sort de son étui un paralysateur et le braque dans ma direction.

— Que puis-je avoir à craindre, maintenant, commandant ?

Après avoir salué, Fertal fait demi-tour et marche vers la porte. Adrun se tourne vers Dacla et lui dit :

— Toi aussi.

Elle n'insiste pas, mais sort par une autre porte. Dès que nous sommes seuls, Adrun dit :

— Inutile de parler haut. Je t'écoute. Si j'ai bien compris, il s'agit d'Elgern.

— Je sais où il est... enfin où il était avant-hier et on a tout le temps de préparer l'expédition pour aller le chercher.

— Il se trouve dans l'aviso dont tu m'as parlé ?

— En état d'hibernation... Il n'a donc pas l'intention de réapparaître tout de suite.

— Il va attendre que Solis ait regroupé les premiers éléments d'une armée... Tu es certain que c'est Elgern ?

— Certain... Je ne l'ai jamais connu personnellement, je ne peux donc pas être absolument formel. Mais je peux conduire Votre Majesté jusqu'à l'aviso dans un samadan de guerre.

— Une excellente façon de m'attirer dans un piège !...

— Que risquerait Votre Majesté dans un samadan de guerre? Rien si je suis en sa compagnie... Votre Majesté pourrait prendre deux hommes sûrs avec Elle... Deux hommes et un détecteur, capables de localiser toutes les espèces de concentrations possibles en dehors des Tapis Volants... après quoi un des deux hommes monterait à bord de l'aviso pour constater qu'il est vide... et seulement après, nous descendrions à notre tour, dans la crypte, où vous pourriez identifier formellement Elgern.

— Cela me paraît réalisable.

— Et présenterait un grand avantage.

— Lequel?

— Personne ne saurait que vous avez éliminé vous-même Elgern... On le croirait toujours en fuite... Sans Elgern, l'armée ne bougera pas, mais, si les grands capitaines savaient qu'il a été assassiné, ils se rangeraient automatiquement sous la bannière de votre sœur Délénia.

Il fronce les sourcils... Je sais exactement à quoi il pense. Trois hommes avec lui au moment du crime, il pourra s'en débarrasser facilement par la suite. Je connais Adrun... Il murmure :

— Pour réussir, nous devons faire vite.

— Je suis aux ordres de Votre Majesté.

De la main, il désigne une table sur laquelle on a déposé le contenu de mes poches... Il me montre les cigarettes et les deux feuilles de papier sur lesquelles Vitray et moi avons écrit en français.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Je l'ignore, Sire... J'ai trouvé cela à bord de l'aviso.

Avec un haussement d'épaules, il prend mon ceinturon et dit :

— Vous pouvez reprendre le reste.

Mon pistolet à aiguilles et mes grenades cervicales, je m'en fiche. Maintenant, je crains Vitray. S'il prenait le relais, ce serait catastrophique...

L'homme qui partit pour les étoiles
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